Jean-François Merle, éditeur chez Omnibus a donné une conférence sur le thème du roman policier à la bibliothèque municipale de Concarneau.
Sa très fine connaissance du sujet (pour ne pas dire encyclopédique) alliée à une grande passion ont captivé les auditeurs durant deux heures.
Vous pourrez lire ci-dessous quelques notes prises au cours de cette conférence, notes que Jean-François Merle a eu l’amabilité de compléter.
Avant d’évoquer les années 1960 et 1970 proprement dites, Jean-François Merle brosse le panorama de la littérature policière en France au sortir de la guerre. 1945, c’est la création de la Série Noire, et le public, sevré de lecture sous l’Occupation, va découvrir le roman noir anglo-saxon : les classiques, tels Hammett ou Chandler, et des nouveaux venus, comme Peter Cheyney. Jusqu’alors, le genre se limitait au roman à énigme avec Agatha Christie en vedette, popularisé par les éditions du Masque, créées en 1927, ce qui en fait la doyenne des collections en France.
Le roman policier en France était dans les années 1950 et 60 un genre populaire, méprisé par la critique et les intellectuels. Il rencontre un immense succès, les collections se multiplient. Parmi les plus importantes de l’époque, citons « Un Mystère », aux Presses de la Cité, et bien sûr le Fleuve Noir, fondé à la fin des années 1940, qui a comme caractéristique de publier des auteurs français.
Vers le milieu des années 1950, un nouveau sous-genre fait son apparition : le suspense, popularisé par les films de Hitchcock, et qui verra triompher des auteurs comme William Irish, puis Patricia Highsmith, puis en France le tandem Boileau-Narcejac.
Quand débutent les années 1960, le roman policier est à maturité, avec ses trois genres majeurs que sont le roman à énigme, le roman noir et le suspense. Les grands auteurs qui vont marquer la décennie ont débuté leur carrière dans les années 1950 : Frédéric Dard/San Antonio, Chester Himes, Donald Westlake, Ed McBain, avec les « Chroniques du 87e District », dont le héros est le commissariat dans son ensemble, et dont le lecteur suit les enquêtes pas à pas – c’est le roman policier « de procédure », dont McBain est le meilleur représentant. McBain va faire vivre sans discontinuer ses inspecteurs de 1955 à sa mort en 2005, créant une véritable « comédie humaine » américaine en épousant les évolutions de la société. Cette caractéristique est également celle de Simenon, dont Maigret, né en 1931, poursuit ses enquêtes dans les décennies suivantes : si le héros ne vieillit pas, la société change autour de lui, et ainsi l’ambiance des romans.
Toutefois, le genre ronronne quelque peu : peu de grands noms apparaissent dans les années 1960. Il faudra attendre la fin de la décennie, avec Mai-68 en France et les bouleversements qui s’ensuivent, pour que le roman policier évolue.
Les années 1970 voient arriver à maturité des jeunes gens nés après la guerre, élevés avec le roman et le film noirs, le jazz, le rock. La contre-culture venue des Etats-Unis donne une visibilité à des genres jusqu’alors méprisés, tels la BD et la science-fiction, et le roman policier va profiter de cet anoblissement. Le polar se fait plus littéraire, avec l’émergence d’auteurs tels que Manchette et A.D.G. en France, Jerome Charyn ou Elmore Leonard, entre autres, venus des Etats-Unis.
Et le roman policier, genre populaire au départ, est attaqué par d’autres formes de loisirs : le grand public s’éloigne peu à peu de la littérature de divertissement, certains éditeurs ou collections disparaissent, la critique et les intellectuels commencent à prendre le genre au sérieux. Les auteurs aussi : la fin de la décennie 1970 – marquée par l’agitation politique et le primat de la théorie – voit la naissance du néo-polar en France, sombre, violent, parfois désespéré, qui ausculte une société malade. Parmi les grands noms, citons Hervé Jaouen et Frédéric Fajardie. On redécouvre Léo Malet. Les revues se multiplient.
Dans les années 1980, une nouvelle génération arrive, le roman policier s’inscrit durablement dans le paysage littéraire, mais c’est une autre histoire…
Ci-dessous plus d’informations sur les auteurs cités par J-F Merle :